6 mètres de long et 3 mètres de haut, c’est la surface du couloir qui relie l’Internef et l’Anthropole (ancien BFSH 1 et 2), sur laquelle plusieurs artistes ont été invités à travailler au fil des ans. Au printemps 1989 d’abord, l’Université collabore avec l’ECAL. Le projet réalisé par ses étudiants se compose de volumes en carton peint fixés le long du couloir. Cette réalisation est accueillie à bras ouvert par l’ensemble du campus qui voit enfin l’austérité de ce couloir s’atténuer. Quelques mois plus tard, l’œuvre se détériore et disparaît.
Un concours est ensuite lancé par le Rectorat au début de l’année 1993. Anonyme, il s’adresse aux amateurs comme aux artistes confirmés. Le magazine de l’UNIL, Uniscope, se charge de diffuser l’annonce du concours et y révèle le gain : 1000.- pour le projet choisi auquel s’ajoute 4000.- pour les frais de réalisation, plus deux fois 500.- à titre de consolation pour des autres projets. Alléchante et motivante pour certains (36 projets sont envoyés au jury), cette dépense est vue par d’autres comme tout à fait indécente. Un professeur de la Faculté des lettres publie une lettre ouverte dans l’Uniscope (n°171, 27 avril – 3 mai 1993) dans laquelle il propose de renoncer à ce concours artistique – par l’habile slogan « Sauvez les livres, pas le béton » – et de placer cette somme à la BCU qui en aurait grandement besoin pour combler un certain nombre de restrictions budgétaires. Malgré cet avis, le concours et la somme sont maintenus, le projet primé, « Rouleau » d’Elvira et Edwige Dale, est réalisé durant l’été pour être inauguré à la rentrée universitaire. Après presque 25 ans d’exposition, la qualité de leur création est démontrée par l’état de conservation de l’œuvre, exposée à de nombreux passages, qui est optimal.
Lors de la prise de contact avec ces vainqueurs, le Rectorat découvre alors que derrière ces identités se cachent deux artistes confirmées: Mélisse Lebon et Renée Paule Danthine (femme de Jean-Pierre Danthine, ancien recteur). L’important dans cette réalisation selon les artistes, c’est le rythme et la spontanéité et non pas la recherche conceptuelle ou introspective présente habituellement dans les œuvres de ces dernières. Chaque jour pendant plusieurs mois, ces artistes viennent peindre, côte-à-côte. La composition est libre, les formes naissent en réaction à la touche de l’une ou de l’autre des plasticiennes et ne se calquent pas sur une composition préconçue.
Par l’usage de pseudonymes, les artistes se sont écartées d’un jugement préférentiel – conscient ou inconscient – auquel elles auraient peut-être été soumises et s’alignent face aux autres concurrents. Elles s’en distinguent ensuite par la pertinence de leur projet qui s’impose par la force de la composition qui rythme les 76 mètres du couloir grâce à la variété de l’agencement des formes qui s’entremêlent et se dissolvent, et de la palette chromatique (80kg de peinture !), qui permet à celui qui emprunte ce couloir d’être, pendant quelques minutes, emporté dans cet élan artistique.
Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives
Photo: Faculté des lettres © UNIL.
Rouleau, Mélisse Lebon et Renée Paule Danthine, couloir entre l’Anthropole et l’Internef